Erica Hinyot surfe sur l’inattendu, sans vague à l’âme

Tout est dans le regard, toujours. Des gouttes de pluie, sur une vitre, peuvent paraître sales aux uns et, sur une feuille luisante, seront perles ou diamants aux yeux des autres. Si Erica Hinyot a intitulé «Ode à la pluie» l’expo qu’elle fait en ce mois de septembre, c’est qu’elle est évidemment de ceux-là. Mais l’inspiration ne lui tombe pas du ciel, en gouttes. Elle trouve sans doute sa source plus profondément: dans son enfance marquée par un séjour en Australie. «Mes parents avaient le goût de l’aventure, ils ont répondu à une annonce recrutant des colons là-bas et tout plaqué, en faisant en famille le tour du monde en passant.» Soleil de plomb, plages de sable étincelant et surtout l’océan bleu Bondi ont gravé leur empreinte dans la mémoire d’Erica, comme les sculptures Maori qu’elle aimait, enfant. Leur contact a peut-être fait germer l’orientation artistique qu’elle a toujours senti en elle depuis l’âge de 14 ans. Et ses parents ne l’ont pas contrariée: Humanités artistiques à Félicien Rops, à Namur, suivies par l’Ecole Normale en section Arts Plastiques, où elle a pu expérimenter pas mal de techniques différentes. Dessin à Tamines, peinture à Ixellles, typographie à La Cambre. Elle fréquente toujours l’atelier de gravure de Paul Dumont et de Dominique Rappez à l’Ecole d’Art d’Uccle. Elle se lancera d’abord dans la peinture gestuelle, avant de revenir à plus de figuratif et puis, mariage, enfants, carrière de graphiste dans un groupe de presse magazine. Une vie de designer et de directrice artistique, une autre approche de l’image.

Comme un tourbillon

La roue tourne. Erica, qui a le souvenir de tempêtes mémorables en Australie, n’a pas attendu l’échouage pour se remettre il y a trois ans à la peinture et, dans une moindre mesure, la gravure sur cuivre à la pointe sèche. Résolument et exclusivement non-figurative cette fois: «Je suis dans l’instant présent, sans a priori, j’expérimente sans aucune peur de l’inattendu.» Elle provoque même l’inattendu, mélangeant pigments et peintures qu’elle laisse couler, réagir pendant la nuit, s’enfler de couches en couches qu’elle griffe ou auxquelles elle imprime des mouvements circulaires, comme des tourbillons dans l’eau. Peinture monochrome, la plupart du temps, ou en camaïeux de couleur. Beaucoup de noirs profonds, mais aussi des bleux somptueux, qui s’enroulent comme ces vagues géantes que défient des surfeurs minuscules. Par un tropisme bizarre, les cheveux d’Erica bouclent en vague, pareil. 
Au 40, rue du Doyenné, à l’Usine devenue pépinière d’artistes, elle travaille à même le sol de ciment de son atelier, tournant autour des toiles de lin ou des panneaux de bois, ses supports de prédilection. Beaucoup de réalisations, dont certaines ont déjà été exposées en Belgique, en France, au Luxembourg et en Allemagne. En primeur chez Peinture Fraîche, Erica dévoilera la série des dix Toiles d’Icare (Icare: anagramme d’Erica). Une série conçue comme une installation, où noir et blanc se répondent comme Yin et Yang. Elle sera aussi à son exposition Ode à la Pluie, où le noir et blanc dominera encore. Mais la pluie y prendra des couleurs complémentaires et inattendues, avec un booklet reprenant les visuels d’Erica, des textes d’elle. Autres surprises de l’expo : des photos de ciels anversois de Dirk Lambrechts, une illustration sonore de Jean-Marc Lederman, le mari d’Erica, compositeur. Et même une fragrance originale d’ Anne-Pascale Mathy-Devalck, évoquant un matin de printemps après la pluie. 

Exposition du 31 août au 16 septembre, à la Galerie Peinture Fraîche de Philippe Demoulin, 10, rue du Tabellion, 1050 Bruxelles. (Eglise de La Trinité). 

S.P.  • CARTE DE VISITE WOLVENDAEL  n°631